My heart stops when you look at me. ▲ PV.

My heart stops when you look at me.

(C) Cosmic Love.

« Merci, au revoir. » La jeune femme venait tout juste de finir quelques emplettes dans son magasin favori du centre commercial. Comme toute personne de sexe féminin, le shopping avait des effets thérapeutiques sur elle. Cela pouvait peut-être paraître insensé et même stupide, mais pourtant, c'était bel et bien le cas pour la demoiselle. Du moins, temporairement. Car après quelques instants d'euphorie, la nostalgie et le manque referaient surface. Comme toujours. En tout cas, pour le moment, elle était plutôt satisfaite des bottes qu'elle venait de se procurer. Mais en même temps, elle devait avouer que les chaussures représentaient son pêché-mignon. Et cela depuis qu'elle était adolescente. De plus, bien que lorsqu'elle était plus jeune, et que certaines mauvaises langues s'amusaient à vanter l'argent de ses parents pour ses nombreux achats, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Car étant comédienne au théâtre, elle pouvait être financièrement indépendante, et cela lui faisait beaucoup de bien de ne plus être considérée comme une fille à papa. Surtout vis-à-vis de ses géniteurs, avec lesquels elle s'était brouillé à plusieurs reprises depuis qu'ils savaient que leur fille préférait se lancer dans une carrière de comédienne que d'avocate ou de médecin. Mais qu'importe, puisqu'elle ne les laisserait plus jamais régir sa vie. Elle voulait faire ce qu'il lui plaisait pendant qu'il était encore temps, et ne pas avoir des regrets par la suite, comme un nombre important de personnes. Préférant chasser ses pensées néfastes de sa tête, la belle brune la secoua doucement avant de reprendre son chemin. Aujourd'hui, elle ne travaillait pas, elle pouvait donc profiter librement de son temps sans avoir à se presser. C'est ainsi qu'elle pénétra dans un café et que ses pas la guidèrent inconsciemment à une table où elle s'installa, son sachet à ses côtés. Ce n'était pas n'importe quel café, et encore moins n'importe quelle table. Lors de ses sorties au centre commercial avec Kàri, son ex qu'elle aimait toujours et auquel elle pensait sans arrêt, ils avaient pour habitude de se rendre dans ce café chaleureux et de se poser à cette même table, et cela à chaque fois. Alors cela n'était pas étonnant que de nombreux souvenirs refirent immédiatement surface dans la tête de la jeune Islandaise. Elle ne fut d'ailleurs tirée de ses pensées que lorsqu'elle se rendit compte qu'un serveur l'interpellait pour prendre sa commande. « Hum, un grand café au lait, s'il vous plaît. » Le serveur ne tarda pas à repartir, la laissant à nouveau seule. Svein soupira. Ses pensées ne cessèrent de vaguer vers une seule et même personne. Toujours la même. Kàri. Elle regrettait tellement leurs bons moments passés ensemble. Dire qu'à une certaine période, ils étaient tellement heureux, bâtissant des projets futurs. Oui, tout cela lui paraissait parfait. Mais d'autant plus lointain... Elle se ressaisit en sentant la douce odeur du café au lait, et remercia le serveur en lui adressant un mince sourire. C'était pitoyable à dire, mais elle se sentait horriblement seule. Elle ressentait un manque énorme en elle, qu'elle désirait combler plus que tout. Buvant quelques gorgées de sa boisson chaude, elle apprécia la chaleur se propageant dans le haut de son corps. Levant les yeux de sa tasse, une silhouette de dos l'interpella. Ces épaules, ces cheveux, mais surtout, cette veste... Son cœur manqua un battement. Se pouvait-il que... ? Elle sentit ce même organe battre à tout rompre en voyant la silhouette se retourner mais surtout, en croisant son regard. Regard qu'elle n'était pas prête d'oublier. Elle ne s'était pas trompé. C'était bien lui. Dire que cela faisait un petit moment qu'elle ne l'avait pas vu. Et maintenant plus que chaque jour, elle se rendait compte à quel point il lui manquait. Esquissant un sourire timide tout en soutenant son regard, elle se demanda s'il allait venir à sa rencontre, ou s'il allait simplement faire comme si il ne la connaissait pas. Dans tous les cas, son cœur battait la chamade.

« C'est moi ou tu n'as pas arrêté de bosser depuis huit heures ce matin? » Kàri leva la tête de ses papiers et se tourna vers son chef de service, qui le regardait de haut. « J'ai pris une pause déjeuné, » dit-il, ce qui n'était qu'une demi-vérité puisqu'à l'heure du repas il n'était sorti qu'un quart d'heure tout au plus pour manger un sandwich. Ils avaient besoin de lui, ici, et du travail qu'il fournissait, sans compter que travailler l'empêchait de trop penser. Cela faisait deux bonnes raisons de rester bosser à la concession, malgré les congés en cette période de fêtes. « Et puis, ce n'est pas vous qui allez vous en plaindre, » ajouta-t-il à l'adresse de son supérieur hiérarchique avec un sourire en coin. Mais à sa grande surprise, celui-ci n'approuva pas. « Un peu de repos forcé ne te fera pas de mal. Allez, dehors, et je ne veux pas te revoir ici aujourd'hui. » Kàri scruta son regard, cherchant à savoir s'il était sérieux ou s'il plaisantait – ce qui lui arrivait aussi très souvent –, mais devant le visage sévère qu'il avait face à lui, il reconnut que cela n'avait en rien l'air d'une plaisanterie et il se résolut à partir. Cela devait bien être la première fois qu'il se faisait congédier parce qu'il travaillait trop. Son supérieur devait certainement en avoir marre de le voir toujours là, en train de se tuer au travail. N'importe quel autre employé de la concession aurait été ravi d'avoir la fin de journée libre, surtout en ces temps de fêtes, mais ce n'était pas le cas de Kàri et pour cause, il n'avait envie de rien. Ni les vitrines illuminées devant lesquels il passait sans un regard, ni les enfants qui jouaient dans la neige avec leur chien sous le regard protecteur de leur mère, ni le Père Noël du centre commercial, avec sa barbe blanche et sa grave voix reconnaissable entre mille, ne parvenaient à lui redonner le sourire. Un autre employé à qui on aurait donné sa journée en aurait profité pour sortir boire un verre avec des amis et rire aux éclats, ou pour aller faire quelques achats pour faire plaisir à ses proches en cette période de fêtes, ou alors pour appeler sa petite-amie et lui donner rendez-vous pour se réchauffer en ce temps hivernal, en buvant un café brûlant et en s'enlaçant tendrement. À l'évidence, ce n'était pas là dans les projets de Kàri. Il marchait simplement, errant sans but et sans destination, d'abord dans les rues fraîches mais néanmoins très fréquentées de Reykjavik, ensuite dans les allées du centre commercial, bien plus chaud et tout aussi bondé. Les gens et leur envie frénétique de faire plaisirs allaient et couraient dans tous les sens à la recherche du parfait présent. Totalement à l'écart de cette foule enveloppée par l'esprit de Noël, Kàri se fraya tant bien que mal un chemin jusqu'au café, où il put enfin respirer. C'était un endroit qu'il connaissait bien, cosy, chaleureux et où il faisait bon prendre un café, surtout les soirs d'hiver. Il se souvenait encore de la dernière fois où il était venu ici. Il y avait alors rendez-vous avec Sveinsína et était arrivé en retard. Il se rappelait l'avoir cherchée dans la foule et avoir été on ne peut plus soulagé de voir qu'elle n'était pas partie mais qu'elle était encore là, assise à leur table, à l'attendre. Cela lui semblait bien loin désormais. Ce fut même sans adresser un seul regard vers la table où ils avaient l'habitude de se rendre que Kàri entra dans le café et se dirigea vers le comptoir, avec dans l'intention de commander son habituel café très noir et très sucré et de le boire à l'extérieur en rentrant chez lui. Il ne voulait certainement pas resté ici et laisser ses souvenirs le hanter. Le serveur ne tarda pas à lui apporter sa commande et le jeune homme le paya puis commença à s'avancer vers la sortie. Son regard croisa alors celui de Sveinsína. Il mit cependant plusieurs secondes avant de se rendre compte que c'était bien elle. En effet, depuis leur récente séparation, il avait l'impression de la voir partout. Il suffisait qu'une jeune femme porte la même veste qu'elle ou aie une coupe de cheveux similaire pour qu'il se retourne sur elle, avec ce qui ressemblait à de l'espoir, l'espoir que ce soit elle, juste pour la voir. Sveinsína lui adressa un sourire timide, confirmant que c'était bien elle, la seule et la vraie. Kàri ressentit comme une douleur au cœur, lui prouvant que celui-ci était encore là et, surtout, n'était pas complètement mort, et une question lui vint à l'esprit: qu'était-il censé faire? Y avait-il une façon particulière d'agir avec son ex, de qui l'on venait juste de se séparer? Si leurs regards ne s'étaient pas croisés, il aurait sans doute fui, faisant comme s'il ne l'avait pas vue. Mais maintenant qu'ils avaient échangé cet assez long regard, cette solution paraissait impossible, ou tout du moins d'une très grande impolitesse. Il décida de s'avancer vers elle, même s'il ne savait pas du tout ce qu'il faisait et encore moins ce qu'il allait lui dire. Tout ce qui lui passait par la tête lui paraissait absurde ou déplacé. Il ne pouvait pas lui demander comment elle allait ou ce genre de choses, cela lui semblait malvenu, compte tenu de ce qui s'était passé la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Y penser, chose qu'il avait évité au maximum, lui fit ressentir une nouvelle douleur au niveau de son cœur. Il arriva bientôt à sa hauteur et, s'il ne voulait pas passer pour un idiot, il fallait bien qu'il dise quelque chose. « Salut, » dit-il spontanément, d'une voix assez rauque. Ce fut la seule parole intelligente et non incongrue qu'il trouva à dire.

Sveinsína espérait sincèrement que le jeune homme ne fuit pas en feintant de ne pas l'avoir vu ou en faisant semblant de ne pas la connaître, ce qui serait au passage, terriblement vexant, mais qu'au contraire, il irait à sa rencontre, car après tout, ils étaient loin d'être des étrangers l'un pour l'autre. Même s'ils ne formaient plus un couple, la demoiselle ne pouvait nier le fait qu'elle tenait encore considérablement à lui, mais surtout, qu'elle l'aimait toujours. Oui, ses sentiments pour lui demeuraient intacts, et le manque qu'elle ressentait en étant séparée de lui ne faisait que les renforcer. Ainsi, elle fut plus que ravie en constatant qu'il s'avançait vers elle, avant de s'arrêter à sa hauteur. Cela pouvait ne paraître pas grand chose, mais elle apprécia grandement l'effort qu'il venait de faire. Une fois qu'il fut près d'elle, Svein sentit son cœur s'affoler. C'était étrange, elle avait l'impression que c'était comme si c'était la première fois qu'ils allaient se parler. Elle ressentait presque l'appréhension d'une fille qui allait pour la première fois entendre la voix du garçon dont elle était secrètement amoureuse. Pourtant, ils avaient dépassé ce stade il y a bien longtemps. « Salut. » Ça y'est, il venait d'engager la conversation. Elle ne savait pas vraiment s'il était content ou non de la croiser ici, mais elle l'était en tout cas. Au moins une personne sur deux. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de fixer son visage, qui ne dégageait aucune expression quelconque. Elle remarqua juste qu'il semblait vraiment fatigué, ce qui ne l'étonna guère. Elle savait qu'il devait passer énormément de temps à la concession, pour ne pas changer. Son travail était d'ailleurs bien souvent source de disputes entre eux deux, Svein ne supportant plus le fait qu'il se tue à la tâche afin d'oublier temporairement les fantômes du passé. « Salut... Je t'en prie, assieds-toi. » Il ne lui avait pas adressé un sourire depuis que leurs regards s'étaient croisés, mais ce fut une chose en plus qui ne l'étonna pas. Il fallait dire que leur rupture n'avait pas été des plus joyeuses, le ténébreux mettant fin à leur relation, et la brune souhaitant continuer. Mais il avait eu le dernier mot, et était parti. Aussi simplement que ça. Il ne se passait pas un jour sans que la comédienne ne repense à cette douloureuse scène. Après tout, ils avaient été trois ans ensemble. Ce n'était pas rien. Cependant, bien qu'actuellement, les choses paraissaient impossible entre les anciens amoureux, au fond d'elle, Svein gardait espoir. Tout n'était peut-être pas terminé entre eux, du moins, c'est ce qu'elle souhaitait. Ne disait-on pas que l'amour était plus fort que tout ? Aujourd'hui plus que jamais, elle espérait que ce dicton s'avèrait vrai. Car honnêtement, elle ne se voyait pas aimer une autre personne. En effet, il ne fallait pas oublier qu'avant de le connaître, elle avait du mal avec les relations sérieuses. Elle ne restait jamais bien longtemps avec le même garçon, se lassant beaucoup trop vite. Par conséquent, Kàri pouvait se vanter d'être celui l'ayant changée. « Ça fait du bien de te voir. » Ce n'était peut-être pas réciproque, mais elle avait eu besoin de lui avouer ceci. Après avoir sans cesse pensé à lui depuis leur dernière altercation, sa présence lui faisait un bien fou. Plus le temps passait, et plus elle se rendait compte qu'elle était devenu dépendante de lui. L'amour, la pire drogue au monde.

C'était sans aucun doute paradoxal, mais Kàri se sentait à la fois trop proche et trop éloigné de Sveinsína. Après tout, ils avaient passé trois ans ensemble. Certes, ces derniers mois avaient été peu agréables, ponctués de disputes, de rendez-vous manqués, de moments d'incertitude et de disputes, encore et encore. Mais Sveinsína restait celle qui était restée auprès de lui pendant trois ans et, il ne pouvait le nier, il l'avait encore dans la peau. Ne pas la voir quotidiennement était douloureux, elle était trop loin de lui. Et pourtant trop proche. Car il avait mis un terme à leur relation et les choses auraient été bien plus simples s'il n'avait plus jamais recroisé son chemin. Être là, à quelques mètres à peine, lui parler, c'était une proximité difficile à supporter, surtout après leur si violente rupture. C'était comme si Kàri avait autant l'envie de fuir à toutes jambes que de prendre Svein dans ses bras, mais que, l'une comme l'autre, ces deux solutions lui étaient impossibles. Trop proche et pourtant si loin. Maintenant qu'il avait entamé la conversation, il lui était impossible de faire machine arrière. Il se rendit compte qu'en fait, il ne savait même pas si Svein avait envie de lui parler. Après tout, il l'avait jetée, avait mis fin à leur relation, et, si sur le coup elle avait cherché à le retenir, peut-être avait-elle changer d'avis, réalisant qu'elle serait mieux sans elle – ce qui était certainement le cas. Il lui avait paru impoli de se détourner comme si de rien n'était, mais peut-être était-ce là ce qu'il fallait faire au contraire, la laisser tranquille, la laisser l'oublier et passer à autre chose, la laisser être heureuse. « Salut... Je t'en prie, assieds-toi, » lui proposa-t-elle, comme pour venir contredire ses pensées. Ne sachant que faire ni quoi dire, Kàri obtempéra, posa son café sur la table et s'assit juste en face de Sveinsína. Il la regarda, regarda aux alentours et se sentit mal-à-l'aise. Ils étaient venus tellement de fois et l'ambiance était tellement différente qu'il ne se sentait pas à sa place. D'ordinaire, ils venaient ensemble, discutaient de façon complice, se tenaient la main sur la table ou même se faisant du pied sous la table. Même pendant les derniers temps où ils étaient ensemble, alors qu'ils étaient en froid un jour sur deux, il était bon de se retrouver ici car ils y passaient de bons moments. Aujourd'hui, Kàri ne savait pas comment il devait agir ni quoi que ce soit. La situation avait changé du tout au tout. « Ça fait du bien de te voir, » dit-elle, brisant le silence et lui faisant penser qu'elle ne l'avait sûrement pas encore oublié. Une fois de plus, Kàri ne sut pas ce qu'il était censé faire. Svein attendait certainement qu'il lui dise que ça lui faisait du bien à lui aussi de la revoir, mais devait-il répondre à ses attentes? Il avait rompu. D'une manière assez incorrecte et brusque, mais c'était fait et il ne se voyait pas revenir en arrière. Cela lui avait semblé la meilleure décision qu'il avait prise depuis un moment, car il la faisait souffrir depuis bien trop longtemps. Mais pouvait-il la rejeté à nouveau? Ne serait-ce pas encore pire pour elle? Si, vraisemblablement, et il ne se sentait pas capable de faire ça. Alors il se contenta de garder le silence, une fois encore, et il but une gorgée de café. Puis il reposa celui-ci et leva les yeux vers Sveinsína. Ils avaient passé tellement de temps à se déchirer dernièrement qu'il ne pouvait plus faire ça. Il ne pouvait pas lui dire que cela lui faisait mal au cœur de ne plus la voir et que, oui, cela faisait du bien de la revoir aujourd'hui. Il savait pertinemment ce qui se passerait ensuite et il ne pouvait pas laisser cela arriver, parce qu'ils reviendraient au point de départ et recommenceraient à se faire du mal. Ou plutôt, il recommencerait à lui faire du mal, car il était le seul fautif d'en l'histoire, lui et son cœur sombre, triste, noirci. « En fait, je crois que je ferais mieux d'y aller, » dit-il brusquement, rompant le silence. « Je suis crevé et certainement pas de bonne compagnie, » dit-il en passant sa main derrière sa tête. « Encore moins que d'habitude, » ajouta-t-il avec un semblant de sourire. Cela semblait la meilleure des choses à faire. Il l'avait salué, par politesse, et ça avait été bon de la voir, ne serait-ce qu'une minute. Il ne savait pas si elle allait avaler ça, mais c'était pour lui ce qu'il y avait de plus sûr à faire. Même si son corps ne semblait pas totalement en accord avec son esprit puisqu'il restait assis, ses mains tenant son café, et regardant Sveinsína sans pouvoir la quitter des yeux.

Bien qu'elle l'invita à prendre place à sa table, Svein ne fut cependant pas certaine que le jeune homme accepte. Il était fort possible qu'il décline sa proposition, même si elle espérait tout de même pouvoir ne serait-ce qu'un peu discuter avec lui. C'était quelque chose qui lui manquait grandement. D'ailleurs, elle ne se souvenait même plus de la dernière fois où ils avaient eu une vraie discussion. Une discussion sans cris et sans animosité. Comme au début. Finalement, elle fut soulagée quand elle le vit s'asseoir en face d'elle. Au moins, il ne se conduisait pas comme un sauvage, ce qui ne pouvait que lui faire plaisir. Peut-être allaient-ils pouvoir resserrer les liens qui les unissaient malgré leurs antécédents ? Elle le souhaitait réellement, sachant toutefois que cela n'était pas gagné d'avance. Loin de là même. Mais bon, rien ne lui interdisait d'espérer. Lorsqu'elle lui avoua enfin que cela lui faisait du bien de le voir, un silence assez désagréable s'installa. Elle savait pertinemment qu'il n'allait pas lui dire que c'était réciproque, mais elle avait au moins pensé qu'il lui adresserait un semblant de sourire. Ce qui ne fut pas le cas, malheureusement. A la place, elle eut le droit à un visage sombre et fermé, comme à l'ordinaire. C'était fou comme le sourire rayonnant de l'homme qu'elle aimait lui manquait atrocement. Ce sourire qui la faisait fondre auparavant. Cela faisait désormais un long moment qu'il avait disparu. Et dire qu'elle donnerait n'importe quoi pour le voir une nouvelle fois. Rien qu'une toute petite fois. Sincèrement, elle aurait tant voulu qu'une machine à remonter le temps existe. Ou quelque chose du genre, tant qu'il lui était possible de modifier le passé. Ainsi, elle aurait pu empêcher l'accident de voiture du frère de Kàri. C'était un homme qu'elle avait toujours apprécié, et avec lequel elle avait bien sympathisé. Elle comprenait pourquoi son frère tenait autant à lui. Et si sa mort l'avait bien affectée, ce n'était rien comparé au jeune homme avec lequel elle voulait tant bien que mal renouer le contact. Ce tragique événement avait été le déclencheur de sa descente aux enfers. Depuis, il n'était plus le même. Mais chaque jour, Svein se rendait à l'évidence. Il ne lui était en aucun cas possible de modifier le cas. Elle se trouvait dans la réalité, pas dans une série à succès pour adolescents ou dans un roman intriguant. Et c'était bien dommage. « En fait, je crois que je ferais mieux d'y aller. » Il venait de briser le silence qui régnait en maître entre les deux protagonistes. Surprise, les yeux de la jeune Islandaise s'écarquillèrent. Elle ne pensait pas qu'il allait partir si vite. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Ou pire, l'ennuyait-elle à ce point pour qu'il décide de prendre congé ? « Je suis crevé et certainement pas de bonne compagnie. » Un éclair de déception traversa les prunelles de la brune. Pour être déçue, elle l'était. « Encore moins que d'habitude. » Il était dur envers lui-même. Mais ce ne fut pas ce qui l'étonna le plus. Non, ce qui retint le plus son attention fut le semblant de sourire qu'il esquissa. Cela pouvait paraître très minime, mais pourtant, cela représentait beaucoup pour Svein. Qu'il essaie de sourire ou même de faire de l'humour en s'auto-critiquant bien que cela ne soit pas vraiment amusant lui fit plaisir. Et bien qu'elle avait conscience de pouvoir paraître comme une égoïste, elle n'avait pas envie qu'il parte. Pas déjà en tout cas. Ils venaient à peine de se retrouver. Alors, se quitter aussi prématurément lui semblait tout simplement impensable. Si bien qu'elle allait tout faire pour pouvoir le garder à ses côtés ne serait-ce que quelques minutes. C'était bien mieux que rien. « Ne dis pas ça. Tu es dur avec toi même. » Elle n'aimait pas le voir dans cet état. C'était bien trop douloureux de le voir se détruire à petit feu. S'en rendait-il compte, au moins ? « Tu devrais te reposer, tu sais. Prendre quelques jours de congé ne pourrait pas te faire de mal, bien au contraire. » Elle s'en faisait beaucoup trop quand il s'agissait du ténébreux. Mais elle n'en pouvait rien, c'était plus fort qu'elle. Elle tenait trop à lui pour ne pas agir. « Je vais sans doute te paraître culottée mais... Reste, s'il te plaît. » Peut-être était-ce exagéré de sa part de lui demander une telle faveur, mais au moins, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas essayer.

Si Kàri ne savait pas tellement quoi faire ni exactement ce qu'il désirait en s'asseyant à la table de Sveinsína, il savait désormais ce qu'il avait à faire. Fuir, tout simplement. C'était la solution la plus simple et celle pour laquelle il aurait dû opter dès le début. À quoi bon se faire du mal à passer du temps avec elle alors qu'il savait qu'ils n'étaient plus ensemble et que, malgré ces sentiments, il n'était pas prêt à revenir sur sa décision de mettre fin à leur relation? Il ne savait pas comment allait réagir Svein quand il prétexta être trop crevé pour être de bonne compagnie, mais cela lui semblait une bonne excuse. Allait-elle le laisser partir, simplement et peut-être pour toujours ou allait-elle chercher à le retenir? Il avait clairement pris sa décision: rompre et s'effacer de la vie de Svein, car il ne voulait pas qu'elle continue à souffrir comme lui souffrait quotidiennement, et par sa faute. Mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'elle cherche à le faire rester encore un peu et il s'en voulait pour cela. « Ne dis pas ça. Tu es dur avec toi même. » Kàri haussa les épaules. Il avait opté pour l'auto-dérision, car cela lui semblait être mieux pour partir de façon pas trop brusque. Mais Svein était admirablement compatissante et indulgente avec lui. Il savait qu'il était devenu, depuis le décès de son frère, un homme plus dur, plus froid qu'autrefois. Il en avait parfaitement conscience, même s'il n'arrivait pas à changer cela. Et elle aussi, elle en avait conscience, elle le lui avait même reproché plusieurs fois, et à raison. Il ne souriait plus comme avant, il passait son temps à travailler, il ne lui parlait plus avec autant de complicité et ne prenait plus assez soin d'elle. Il avait perdu un certain nombre de ses qualités, même s'il restait le même, au fond. Le fait qu'elle le contredise en le disant trop dur avec lui-même l'étonna un peu et réussit à lui arracher un demi-sourire. Il avait presque oublié à quel point elle était douce et bienveillante. « Tu devrais te reposer, tu sais. Prendre quelques jours de congé ne pourrait pas te faire de mal, bien au contraire. » Kàri haussa de nouveau les épaules. Sveinsína s'en faisait encore pour lui, alors qu'ils n'étaient plus ensemble. Une chose que lui-même avait trop souvent oublié alors qu'ils étaient encore en couple. C'était l'une des raisons pour lesquelles il aurait été plus raisonnable de se retirer dès maintenant. Il ne devait pas la laisser espérer et encore moins donner raison à ses espoirs. Il avait rompu. Ce qu'il voulait, c'est qu'elle l'oublie, lui, son sombre ex petit-ami, qu'elle passe à autre chose pour ne plus souffrir, surtout par sa faute. Un soir, elle s'était saoulée et il l'avait retrouvée pas loin de coucher avec un autre homme. Il ne lui en voulait pas plus que ça, même si y repenser formait une boule dans sa gorge. Il ne lui en voulait pas parce qu'il savait que c'était entièrement sa faute, que s'il s'était occupé d'elle, s'il ne l'avait pas délaissée, cela ne serait pas arrivé. Si elle avait été heureuse, s'il ne l'avait pas fait souffrir par sa propre souffrance, cela n'aurait pas eu lieu. Il devait donc la laisser partir, même si c'était la chose la plus difficile qu'il n'eut jamais eut à faire, après avoir dû organiser les obsèques de son propre frère. « Je vais sans doute te paraître culottée mais... Reste, s'il te plaît. » Il ne la trouva même pas culottée. Elle savait simplement ce qu'elle ressentait, le disait avec franchise et, surtout, elle savait ce qu'elle voulait. Elle était sincère. Il aurait dû lui répondre d'un non catégorique, fuir sous le prétexte de la fatigue qu'il avait invoquée. Seulement il en était incapable. Svein était là, face à lui, les yeux brillants, faisant preuve d'une franchise presque désarmante en lui demandant de rester avec elle. Alors, au lieu de s'en aller comme il l'avait auparavant prévu, il se contenta de murmurer: « Svein... » Kàri était faible, trop faible. Ses pensées s'emballèrent et il essaya de se remémorer, en vain, la dernière fois qu'ils avaient eu une vraie conversation, la dernière fois qu'il l'avait vu rire, la dernière fois qu'ils s'étaient embrassés, la dernière fois qu'il avait touché ou ne serait-ce que frôlé sa peau si douce, la dernière fois qu'il lui avait fait un cadeau... Mais le seul fait de penser les mots ''dernière fois'' lui arrachait le cœur. Il était trop égoïste, surtout en ce moment où il devait être fort. Il était censé ne penser qu'au bonheur de Sveinsína et non à ses envies et désirs personnels. « Ce n'est pas raisonnable... » dit-il doucement. Allait-il lui céder? Ou allait-il suivre sa résolution et la laisser l'oublier? Les deux options étaient tentantes. D'un côté, il l'aimait trop pour continuer à lui faire du mal, mais était incapable de changer, car sa noirceur était bien trop profonde. D'un autre côté, c'était Svein, l'élue de son cœur et il ne savait pas s'il avait le courage de la laisser partir. Il était un homme trop sombre déjà, avec elle. Comment serait-il si elle n'était pas là? Elle avait toujours été là pour lui, elle lui avait tenu la main pendant l'enterrement de son frère, elle l'avait soutenu, elle ne l'avait pas quitté alors qu'il changeait, devenant l'homme sombre et fermé qu'il était aujourd'hui. Elle était toujours là, alors que lui n'était jamais là pour elle. Et il savait que, sans elle, il serait perdu. Mais, si c'était la plus difficile des solutions pour lui, c'était sans aucun doute la plus raisonnable et la meilleure à prendre pour elle. S'il était capable de la prendre.

La jeune femme avait une chance sur deux. Une chance pour que l'homme qu'elle aimait accepte de rester en sa compagnie, mais également une chance pour qu'il refuse en préférant couper court à la conversation et qu'il s'en aille. En ce moment, il était vrai qu'elle n'était pas très chanceuse. Mais peut-être que les choses allaient changer et s'améliorer, ce qu'elle espérait fortement. Car bien qu'elle essayait de faire bonne figure devant tout le monde, elle n'était pas au meilleur de sa forme. A vrai dire, elle déprimait, surtout lorsqu'elle était seule chez elle. Elle ne pouvait s'empêcher de penser sans cesse à son amour perdu qu'elle voulait tant retrouver. Tout n'était pas terminé entre eux deux, elle le sentait. C'était un pressentiment qui ne la quittait jamais. Et puis, après tout, les gens qui s'aimaient réellement n'étaient-ils pas destinés à se retrouver ? Cela faisait peut-être trop cliché de film romantique et cul-cul, mais personne ne pouvait lui interdire de rêver. Elle n'arrivait pas à ne plus penser à lui ainsi qu'à leurs nombreux moments partagés ensemble. C'était trop difficile de l'ignorer, de faire comme s'il n'avait jamais existé. Tout simplement parce qu'il était constamment présent dans sa tête tout comme dans son cœur. C'était la première fois qu'elle ressentait cela. Qu'elle était si attachée à une personne et totalement amoureuse. Ce qui est sûr, c'est qu'auparavant, elle ne savait pas que l'amour pouvait faire autant mal. Toutefois, elle ne regrettait aucunement. Non, jamais ne pourrait-elle s'en vouloir d'avoir fait la connaissance de Kàri et de s'être autant amouraché de lui. Car grâce à lui, elle avait connu le bonheur, mais surtout l'amour, alors que rien ne prédestinait cette fille auparavant séductrice et volage à se poser sérieusement avec quelqu'un. Elle était devenue une autre personne grâce à lui. Une personne qu'elle appréciait. Et même si le jeune homme avait changé, qu'il était devenu une personne plus sombre, plus solitaire, elle voulait tout de même l'avoir à ses côtés. C'était bien mieux que de ne plus sentir sa présence du tout. Leur séparation lui montrait réellement à quoi point elle était plus fragile et dépendante de lui. Alors voilà pourquoi actuellement, elle souhaitait qu'il reste encore un peu avec elle. Qu'il lui offre ne serait-ce, qu'un semblant de compagnie. « Svein... » Elle frissonna. La demoiselle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il ne l'avait pas appelé par son surnom. Même rien que cette petit appellation anodine lui manquait. C'était triste à dire. La fameuse citation « un seul être vous manque et tout est dépeuplé » lui paraissait affreusement vraie. Cela reflétait exactement ce qui lui arrivait depuis quelques temps. « Ce n'est pas raisonnable... » Bien malgré elle, elle ne pu s'empêcher d'esquisser un léger sourire. La brune se dit que parfois, il valait mieux ne pas être rationnel et ne pas agir raisonnablement. Après tout, la vie était trop courte, alors autant en profiter un maximum sans forcément penser aux conséquences. Alors, prenant son courage à deux mains, elle délaissa justement ses dernières de sa tasse de café pour venir prendre doucement celles de son interlocuteur. Ce contact lui fit palpiter le cœur. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'elle ne l'avait pas touché. Sa peau douce et chaude lui avait terriblement manquée. Elle espérait juste qu'il ne la repousse pas suite à cet élan peut-être un peu trop impulsif. Mais elle ressentait le besoin de le toucher à nouveau, de savoir qu'il était toujours présent. C'était plus fort qu'elle. « Je sais... Mais nous serions tristes toute notre vie si nous faisions toujours attention à être raisonnables... » Elle le serra un peu plus fort, sans pour autant l'opprimer. Non, tout simplement pour lui montrer qu'il pouvait compter sur elle, quoi qu'il advienne. Maintenant, c'était à lui de décider. Il avait toutes les cartes en main. Lesquelles allait-il jouer ?

Certaines personnes disent: "mieux vaut être seul que mal accompagné" et agissent dans ce sens. Visiblement, Sveinsína n'était pas de ces personnes-là. Lorsqu'avait eu lieu cette grosse dispute qui avait conduit à leur rupture, elle avait elle-même dit que Kàri la faisait souffrir et ne s'occupait pas assez d'elle. Celui-ci n'avait pas contesté et, pour cause, elle avait entièrement raison. Et pourtant elle était là, face à lui, comme s'il était la seule chose qu'elle voulait. Et lui, même si son attitude ne le montrait pas toujours, il était fou d'elle. Alors que pouvait-il faire d'autre que céder? Au fond, c'était ce que son instinct semblait lui souffler de faire, même si son esprit lui disait le contraire. Car, comme il l'avait dit, ce n'était pas raisonnable. Mais bientôt Sveinsína prit ses mains dans les siennes et il ne fut plus en mesure de réfléchir raisonnablement. Il ressentit au bout de ses doigts une agréable sensation de chaleur qui, rapidement, se propagea dans tout son corps, le paralysant au passage des doigts jusqu'au cerveau. Cela faisait tellement longtemps qu'ils ne s'étaient pas touchés. À tel point qu'il ne s'était pas rendu compte combien cela lui avait manqué. Il ne bougea pas d'un millimètre, ne repoussa pas la jeune femme pas plus qu'il ne réclama un contact plus important. Ses mains restèrent inertes dans celles de Sveinsína tandis qu'elle lui disait: « Je sais... Mais nous serions tristes toute notre vie si nous faisions toujours attention à être raisonnables... » Elle serra ses mains un peu plus fort, comme pour lui montrer qu'elle ne lâcherait pas et qu'elle serait toujours là. Kàri apprécia cette sensation car il ne s'était pas senti aussi bien depuis trop longtemps, et tenta en même de retrouver ses esprits mais en vain. Cependant, comme pour l'aider à choisir la meilleure des solutions, il se souvint de l'une des discussions qu'il avait eue avec son frère, peu de temps après sa rencontre avec Sveinsína. C'était à un moment où il ne savait pas s'il devait s'engager réellement avec la jeune femme ou pas. Après tout, ils étaient très différents et rien ne les prédestinait à être ensemble. Mais ils passaient de très bons moments ensemble et cela commençait à devenir sérieux, il devait donc décider s'il souhaitait une vraie relation avec elle ou arrêter là. Elle avait toujours été plutôt volage et lui ne savait pas s'il voulait s'engager avec elle ou qui que ce soit d'autre. Il avait peur de s'investir dans une vraie relation, surtout avec une fille comme Svein qui n'arrivait pas à se fixer. Mais il devait avouer qu'il ne s'était jamais senti aussi bien qu'avec elle. "Peu de choses nous rapprochent mais quand on est ensemble... je ne sais pas, je me sens juste tellement bien. Peut-être même que c'est elle... tu sais, la bonne... celle qu'il me faut... Je sais comment elle est mais... je ne sais pas... Quand je suis avec elle c'est comme si tout était possible..." avait-il expliqué, ayant du mal à mettre des mots sur ses sentiments. "Alors fonce," lui avait conseillé celui-ci. Alors Kàri avait foncé et ne l'avait jamais regretté. Il lui avait ouvert son coeur et son âme, lui donnant ainsi l'opportunité de les briser mais ça n'était jamais arrivé. S'il avait songé à être raisonnable, peut-être n'aurait-il pas pris ce risque et dans ce cas ils ne seraient même pas à cette table aujourd'hui. « Tu as raison... »> murmura-t-il, les mots de son frère raisonnant dans son esprit. Ce n'était à l'évidence pas raisonnable mais sa décision était prise. Peut-être que cela n'allait pas marcher, à nouveau, peut-être qu'il changerait d'avis dès le lendemain, peut-être que cela n'allait engendrer que plus de douleur et de déchirement, peut-être que Svein le jetterait au bout de deux jours... Il na savait pas, mais il voulait essayer, voir ce que ça allait donner. Il prenait le risque. En fait même, il fonçait. Il se leva assez brusquement, faisant trembler la table. Il tenait toujours l'une des mains de Svein dans la sienne et cette fois-ci il la serrait affectueusement en retour. « Viens, partons d'ici, » proposa-t-il avec un sourire. Il n'avait plus envie d'être dans ce café, entouré et regardé par tous ces gens qui lui étaient inconnus. C'était sans doute égoïste mais il voulait Svein et il la voulait pour lui tout seul. Il voulait se retrouver seul avec elle, la regarder droit dans les yeux et la retrouver, tout simplement. Il ne voulait pas juste lui tenir la main, il voulait la serrer contre lui et oublier tout le reste. C'était la chose la plus impulsive qu'il aie faite depuis des mois et des mois mais c'était tout ce qu'il désirait à ce moment-là. Il était faible, il le savait. Faible de céder alors qu'il était arrivé si déterminé à partir, à s'en tenir à sa décision. Mais il ne pouvait pas lutter indéfiniment contre ses sentiments.