kàri ● i welcome the dark hoping it will take my pain away.

« Heureusement que tu étais là, je ne m'en serais jamais sorti tout seul, » dit Kàri en déposant un baiser sur la joue de Sveinsína. Ils se sourirent puis se tournèrent vers le salon, constatant le résultat de leur dur labeur. Ils avaient passé l'après-midi entière à décorer le salon des Steinsson pour les fêtes de Noël et le résultat était bien là. « C'est magnifique, » dit Sveinsína et Kàri ne put rien faire d'autre qu'approuver. Le sapin, les guirlandes lumineuses, le calendrier de l'avent, les grosses chaussettes sur la cheminée, tout était parfait. Chaque année, les quatre Steinsson décoraient leur salon de façon simple mais harmonieuse. L'esprit de Noël envahissait alors toute la maison. Cette année, Mr. et Mrs. Steinsson était parti fêté Noël tous les deux et Jóhann, le jeune frère de Kàri, passait les fêtes avec sa petite-amie. C'était donc Kàri, qui restait à Reykjavik, qui s'était chargé de décorer le salon, assisté de Sveinsína, auprès de qui il comptait passé le réveillon. Ils avaient fait un travail remarquable, puisque le salon n'avait jamais été aussi resplendissant ni chaleureux. Ils pouvaient être contents d'eux, la maison respirait l'esprit de Noël. Kàri se dirigeait vers le canapé, rendu de toute cette journée, lorsqu'une mélodie attira son attention. « Tu entends? » demanda-t-il en tendant l'oreille. Sveinsína l'interrogea du regard. Il s'approcha de la fenêtre qu'il ouvrit. D'ici même, on voyait un groupe d'enfants d'une dizaine d'année que l'on entendait chanter à pleines voix des cantiques de Noël. Ils se penchèrent tous deux à la fenêtre, écoutant les chants et profitant de ce moment quasi-parfait: c'était bien là la magie de Noël. Les voix finirent par s'éteindre et Svein referma la fenêtre quand Kàri s'exclama: « On a oublié quelque chose! » Elle le suivit du regard tandis qu'il fouillait l'un des cartons où ils avaient trouvé les décorations de Noël. Il en sortit une branche de gui, l'accrocha, puis vint à Svein et lui prit les mains pour l'attirer sous le gui. « Maintenant, c'est parfait, » dit-il avant de déposer ses lèvres sur celles de celle qu'il aimait. « Tout est parfait, » ajouta-t-elle entre deux baisers. L'instant aurait pu durer éternellement, ou tout du moins jusqu'à Noël ou même jusqu'à la Saint-Sylvestre. Ils étaient seuls au monde, sous une branche de gui, prêts à fêter Noël. Rien ne pouvait leur gâcher ce moment de bonheur à l'état pur. Seulement le téléphone sonna, interrompant les deux amants avides de doux baisers. À contrecœur, Kàri se sépara de Svein pour aller répondre, lui promettant que dès qu'il aurait raccroché, ils reprendraient là où ils s'étaient arrêté. Il ne pouvait pas savoir qu'il lui serait impossible de tenir cette promesse. Il décrocha et entendit la voix de son père qui appelait son prénom. N'ayant pas une très bonne relation avec ce dernier, il se renfrogna d'autant plus. « Qu'est-ce qu'il y a? » demanda-t-il brusquement. « C'est Jóhann, » poursuivit son père. Sa voix lui semblait à la fois très distante, lointaine et légèrement tremblante. « Il a eu un accident. » Kàri se figea et il dû faire un effort surhumain pour ne pas laisser le combiné. Son frère, Jóhann, qu'il adorait. Un accident. Il ne pouvait pas y croire. Pourtant, pour que son père l'appelle, cela devait bien être vrai. Il déglutit, plus péniblement que jamais. « C'est grave? » demanda-t-il, sa voix lui paraissant à ses oreilles encore plus lointaine que celle de son père. Il y eut un silence, un très long silence pendant lequel il n'entendait plus rien, pas même la respiration de son père dans le téléphone. « C'est terminé. » Cette fois-ci, il ne put retenir le téléphone qui tomba lourdement sur le parquet.

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« Au revoir, Svein, » dit doucement Kàri avant de tourner de dos à celle qui était restée à ses côtés pendant plus de trois ans et de partir, tout simplement, en marchant d'un bon pas. C'était simple à dire, en réalité. Et, surtout, cela lui semblait être la meilleure décision. La plus difficile, sans aucun doute. Mais la meilleure à prendre. Y avait-il encore de l'espoir pour lui? Certainement pas. Y avait-il encore de l'espoir pour eux deux? Encore moins. Il le savait depuis un moment. Il n'y avait pas vraiment pensé parce qu'ils étaient Svein et Kàri et qu'il avait longtemps cru que rien ne pouvait les séparer. Mais il ne pouvait nier que leur relation allait au plus mal. Il n'arrivait plus à l'aimer aussi simplement qu'avant. Cela faisait un an que tout s'écroulait. Un an auparavant, les perspectives étaient belles. Un réveillon en amoureux. Des fêtes heureuses, insouciantes et dans le bonheur. La vie qui les attendait, tout simplement. Tout cela était bien loin désormais. Cette année, il passerait certainement le soir du vingt-quatre au boulot. Les réjouissances en perspectives. Kàri regarda son reflet dans la vitrine d'une boutique fermée. Tout cela était d'une très grande tristesse. Comme lui, en fait, habité par une noirceur qui ne cessait de grandir depuis près d'un an, depuis la mort de son frère. Il ne se retourna pas même une seule fois vers la maison de Sveinsína, il avança d'un pas rapide sans jamais se retourner. Il n'espéra même pas qu'elle court derrière lui pour le retenir. Elle ne le ferait pas de toutes façons. Kàri soupira. Il ne pensait à rien, à vrai dire. Ni à Svein ni à ce qui venait de se passer. Et il n'entendit même pas la chorale de Noël qui, un an plus tôt, lui avait fait croire à la magie de Noël.